Au moment d’écrire cette première partie de texte, c’est déjà bientôt la fin de l’aventure de ON danse Le Petit Continental ! Nous sommes le 21 avril, le dernier atelier d’apprentissage et de mémorisation à proprement dit avant les deux répétitions générales. Les créations, créées quelques semaines plus tôt, prennent place dans l’ensemble chorégraphique sans anicroche. Tout coule de source.
Fidèle à elle-même, Claudia Chan Tak, guide les participant·es en mélangeant histoires et mouvements. On remarque l’attention portée à la direction, aux transitions, aux déséquilibres suivis de moments de confiance et de conscience de soi. Il n’y a pas à dire, la mémoire chorégraphique fait son œuvre. Chacun·e approprie les mouvements avec sa propre sensibilité. Comme le dit le chorégraphe Sylvain Émard, chaque corps est intéressant, chaque corps qui est volontaire et qui s’investit dans l’apprentissage du mouvement parle tellement.
C’est ce qui s’est traduit le 30 avril lors de la représentation devant public à laquelle j’ai assisté. Bien que j’avais en tête une chorégraphie apprise aux côtés des participant·es, c’est comme si je voyais cet enchainement de mouvements pour la première fois. Leurs corps parlent en effet de volonté, de fierté et d’appropriation d’un langage primaire et foncièrement universel. Il était émouvant de voir le travail accompli présenté avec une pleine vulnérabilité.
Lorsque la poussière retombe
La discussion qui a suivi ce moment de partage s’est révélée riche et sincère sur la démarche artistique et thérapeutique dans laquelle prend place l’atelier. Pour la psychiatre Patricia Garel, initiatrice du projet Espace Transition, avoir un espace où dire autrement ce qui nous habite est l’objectif principal. « Il était d’important d’offrir aux jeunes avec qui on travaillait, qui sont confrontés à des obstacles, cet espace qui permet de rebondir, de sortir de sa tête. » Il s’agit également de sortir du cadre restrictif de l’hôpital et de s’ouvrir à d’autres chemins de guérison.
Les bienfaits physiques et psychologiques de la danse sont de plus en plus reconnus dans le monde médical et bien qu’il ne s’agisse pas ici d’une thérapie par la danse, on peut reconnaitre l’apport sur le bien-être. Comme le souligne la chercheure en psychologie Adriana Mendreck dans son article De la dépression à la maladie de Parkinson : le pouvoir curatif de la danse : « Notre posture et nos mouvements ont le pouvoir de transformer l’état mental, de faire monter des souvenirs refoulés, de libérer la spontanéité et la créativité, de réorganiser le cerveau. De nouvelles façons de bouger et de danser permettent de ressentir et de percevoir le monde autrement. »
C’est ce qui ressort aussi dans les réponses des participant·es sur ce que cette expérience leur a apporté : c’est le lâcher-prise, d’être dans le moment présent, d’exprimer quelque chose que l’on ne pourrait dire autrement. Au-delà de la gêne et de nos limitations. Ça donne de la confiance. En outre, qu’on le veuille ou non, des liens d’amitié se créent. « Au début, ça pouvait être difficile, car il fallait apprendre à communiquer avec de nouvelles personnes, mais plus ça allait, plus le projet commun prenait de la place, ça nous mobilisait à travailler ensemble, à se faire des blagues, à tranquillement rendre notre rapport les uns aux autres plus chaleureux et s’attacher aux traits de personnalité », confie Anastasia.
Et cette notion de projet commun devrait être la leçon tirée de cette expérience selon Patricia Garel. Les liens peuvent ne pas durer dans le temps, mais le souvenir d’avoir bâti quelque chose de collectif laisse une trace indéniable. « C’est très important de se souvenir que c’est un projet collectif dont tout le monde va se souvenir, vous avez chacun·e vos trajectoires, votre histoire et vous n’allez peut-être pas garder contact, mais ce qui a été, va rester. Vous allez tous vous rappeler d’avoir été bien ensemble, d’avoir trouvé sa place dans un groupe. Le succès de l’un devient le succès de tous. »
Quant au chorégraphe Sylvain Émard, la raison d’être de son métier réside dans cette rencontre avec les autres. « Je fais ce métier pour vivre des moments de connexion en groupe à travers l’exécution dans ce cas-ci, de chorégraphie, mais ça pourrait être de n’importe quelle forme d’art. L’art transcende beaucoup de choses. »
Par Rose Carine Henriquez
Rédactrice
Synthèse sensible et tellement juste de l’aventure vécue par le groupe! Merci à tous les partenaires et à Rose Carine de l’avoir si bien mis en mots.