


La seule consigne qui nous est donnée avant que vous entriez, est de prendre plaisir…
Michel lance la musique !
Un rythme frénétique choisi par Sally. Cette femme, pour qui la musique coule dans ses veines, ouvre la danse en donnant à cet après-midi un ton riche en couleur et en intensité. La force de Sally conduit le groupe qui, tout en se laissant inspirer par elle, s’implique avec la même créativité au sein de leur propre unicité. Une diversité offerte avec la vibration de chacune, tantôt avec douceur, force ou rythme, mais toujours avec vérité, spontanéité et intériorité.
Nous passons d’un rythme mouvementé à la profondeur du silence qui enveloppe tout à coup l’espace. Et dans une espèce de chassé-croisé, s’offrant légèrement sous la douce brise de l’air, s’enracinant à la terre, crépitant joyeusement sous un feu ardent ou se laissant simplement couler avec la fluidité de l’eau, nous traversons les lieux. Puis, à partir d’un jeu ludique, nous rejoignons le monde de l’enfance des participantes autant que celui du public, à en entendre les rires, jeu qui mène chaque interprète à livrer, à tour de rôle, sa propre création. Soutenue par la musique que la plupart ont choisie, paroles, mélodies, sons ou vibrations viennent appuyer l’énergie de vie qui circule en chacune.
Lorsque Caroline Lavoie, l’animatrice, invite le public à prendre parole, les gens sont touchés par la douceur, l’authenticité, la pureté du mouvement. Émus par la diversité de chacune où malgré les limites, l’élégance demeure. Étonnés, ils questionnent comment Isabelle et surtout Claire, une sourde profonde, peuvent danser sans entendre la musique. Claire nous dira, tout en riant, comment elle est touchée par le fait que Michel ait pensé à créer un environnement sonore pour sa création, malgré sa surdité. Profondément touché pour l’inclusion. Elle nous partage aussi comment l’exercice de fermer les yeux en se tenant les mains lui a été bénéfique, car pour une personne sourde, la vue est importante. Mais de persévérer à garder les yeux fermés lui a appris à davantage s’intérioriser.



Une fois le dialogue enclenché, les femmes sont en feux, sans qu’aucune autre question ne leur soit posée, elle prenne à tour de rôle parole. Habités d’un corps qui s’allie au mouvement, leurs mots coulent aussi aisément qu’elles se sont abandonnées lors de leur présentation. Une parole qui exprime en toute honnêteté comment encore une fois, les vases communicants entre l’art et la vie sont une voie de passage qui transcende les limites et relie nos vies à quelque chose de bien plus grand que nous.
On ne peut taire ici le thème de cette année, ELLES dansent !, atelier offert aux femmes en situation de handicap… dont Circuit-Est en partenariat avec l’organisme Réseau d’action pour femmes handicapées du Canada, où Nelly, directrice des initiatives jeunesse et des relations internationales, nous dit que leur mission est de mettre fin à l’isolement et de faire rayonner leur voix. On ne peut garder sous silence que les limites existent, mais comme Gwendoline le dit, le handicap, c’est comme la danse, ça ne s’explique pas, ça se vit. Reconnaître ses limites, comme l’a dit Mel, la rend plus forte! Lorsqu’on dit oui à celles-ci, l’art et la danse, plus particulièrement ici, a permis d’inclure nos limites, sans pour autant s’y identifier. Mais une telle opportunité ne peut se faire sans un climat qui accueille sans aucun jugement, chaque femme, chaque corps, tel qu’il soit! Cela a pu exister tout au long du cheminement, à cause de l’accueil de Sarah, Michel, Rachel et Catherine qui enseigne de la même manière qu’elle le ferait avec les danseurs professionnels.
Sally dit comment elle est fière d’avoir dansé, partagé la danse avec d’autres parce qu’elle croit à l’inclusion par l’art, dont notre société ne tient pas souvent compte avec les personnes différentes. Marie-Claude me dira qu’elle espère surtout ne pas être stigmatisée. Gwendoline nommera que dans une telle expérience, l’histoire médicale ou tout autre thème relié à notre histoire personnelle n’a aucune importance parce que cela ne fait aucune différence. Et Suzanne renchérira en ajoutant qu’assise ou debout il n’y a effectivement aucune différence tout dépendant du regard que l’on porte sur nos limites. Car visibles ou invisibles, n’en avons-nous pas tous ?
Une femme, étudiante en danse, présente lors de la générale, m’a confié comment elle a été touchée par les femmes, que la résonnance s’est fait à partir du corps et elle a ajouté que ce qu’elle a reçu et senti : « Lorsqu’on vous regarde, on ne voit ni ne s’arrête à vos limites, mais à vos capacités. Et comment la danse ramenée à sa plus simple expression est un mouvement qui fait du bien parce qu’il rejoint le cœur et ramène à l’essentiel ».



Comment ne pas être ramené à l’essentiel lorsque Mel qui apprend à se réapproprier une danse, sa danse, ses jambes, ses mains, son torse et qui brille en dansant, nous avoue que c’est la toute première fois qu’elle dansait de sa vie. L’extraordinaire fait partie de l’ordinaire quand on pense que cette toute première fois s’est faite sur scène, devant le regard de chacun. Toute une première qui en dit long pour la richesse et la poésie que cette femme a à nous partager. Et lorsque Gwendoline nous avoue que le corps lui a permis de s’approcher d’une révélation qui change sa vie ! Et Francine qui, en plus de découvrir, oups, telle partie du corps oubliée ou encore redécouverte à travers les nombreux réchauffements de Sarah, nous partage la joie ressentie en étant témoin de voir l’une contente de voir l’autre heureuse !
Ce ne sont pas toutes les femmes qui ont pris parole, mais je ne sais pas si je me trompe, mais j’ai l’impression qu’une part de notre parole a rejoint la leur et que la leur a rejoint la nôtre.
L’aventure se termine, malgré la soif pour plusieurs qu’elle se poursuive. Mais les portes et fenêtres qu’elle a ouvertes, elles, ne se refermeront pas. L’inclusion. L’amour. Le dépassement de soi. La reconnaissance des limites. Le sentiment d’appartenance. L’accueil et l’amour des uns envers les autres comme de soi ne peuvent que continuer de s’élargir lorsque nous savons comment le mouvement apporte souffle et liberté.
Sans l’accueil indéfectible et surtout sans jugement de Catherine, Sarah, Michel et Rachel, cette belle aventure n’aurait pas été aussi magique. Car quoi de plus touchant que de se rencontrer dans nos humanités.
En espérant que d’autres projets comme ELLES dansent! aient lieu. Que Francine, directrice artistique de Circuit-Est puisse faire en sorte que de tels projets, qui font partie de ses valeurs profondes, puissent se renouveler, année après année et plus encore. Afin que la voix de toutes ces femmes, limitées ou pas, entendantes ou pas puisse s’exprimer et rayonner.
Suzanne Ledoux
Très beau texte Suzanne, tu écris magnifiquement bien! Te souhaitant pleins de bénédictions et de joies dans ta vie….À la revoyure et bon courage d’ici là! ….
Bonjour aussi à toutes les autres danseuses et à l’équipe de production…..Mercis pour tout!